La garantie d’une assurance maîtrisée au détriment de l’assuré

Le non-remboursement systématique des soins en France par la sécurité sociale poussent de nombreux français à souscrire à des prestations auprès d’assurances privées. Ce nombre est évidemment plus grand aux États-Unis où le programme Health Care promu par Obama peine à convaincre.

Ces assurances privées, comme toute entreprise, sont obsédés par leur pérennité, leur rentabilité et souhaitent maximiser leurs profits tout en minimisant les risques. Le but ultime pour une assurance privée en matière de prise de risque serait de mener une enquête sur chaque nouveau souscripteur afin de lui promettre, ou non, un contrat en fonction de son état de santé actuel. Cela est évidemment cruel et déloyal mais ce serait considérablement bénéfique pour une telle société, au nom de son essence même : le profit et la pérennité.

À l’ère du tout connecté, une telle enquête est possible, la seule question est : qui aura en premier le courage et l’ingéniosité pour introduire insidieusement le sujet ?

L’approche AXA

Une stratégie risquée, mais qui pourrait bien attirer de nombreux clients si cela est fait intelligemment, serait de proposer des avantages économiques sur un contrat d’assurance en échange d’un rythme soutenu de sport chez l’assuré, de quoi s’assurer que notre client est en bonne santé.

Cette première stratégie, c’est AXA qui l’a adopté au mois de juin 2014.

Screenshot - 26082014 - 10:17:06Pour « aider à préserver votre santé » AXA vous offre un mouchard qui leur permettra de mesurer le nombre de pas que vous avez effectué dans la journée, le nombre de calories, votre sommeil, votre rythme cardiaque et même votre taux d’oxygène dans le sang.

Afin de commencer doucement la sensibilisation et de supprimer petit à petit toute pudeur quant à votre santé et au risque que celle-ci soit divulguée à des groupes privées, l’assureur dissimule habilement le pistage sous forme de défi à relever pour avoir des avantages de remboursement santé.

Screenshot - 26082014 - 10:17:26Vous voici donc avec un chèque de cinquante euros de médecine douce si votre physique vous permet de marcher sept mille pas par jour, et le double si vous ajoutez à votre pèlerinage trois mille pas de plus. Simplifions : médecine offerte si votre corps se porte bien. Ce doux paradoxe masque une logique implacable : ceux qui auront relevés le défi seront de parfaits clients en bonne santé pour la pérennité de cette assurance solidaire.

Évidemment, la statistique du nombre de vos pas par jour ne permet pas d’établir un bilan de santé complet. Cependant, le mouchard « Withings Pulse » ne se cantonne pas qu’à cela, il mesure votre rythme cardiaque et votre taux d’oxygène dans le sang : deux données beaucoup plus représentatives qu’une vulgaire statistique de marche.

L’approche Apple

Convaincre le public d’être espionné par un mouchard de santé est un exercice long et fastidieux, on peut au moins adresser à AXA ce compliment de transparence. Ce n’est cependant pas le cas d’Apple, le géant californien utilise une omerta inquiétante.

Celui-ci a en effet, selon l’agence de presse Bloomberg, tout simplement démarché les deux plus grandes sociétés privées d’assurance aux États-Unis : UnitedHealth et Humana. En somme l’opposé d’AXA : dans cette gigantesque galaxie d’entreprises collectionnant des données privées on ne vient plus chercher les armes, on se laisse démarcher.

La firme de la pomme a en effet un argument de taille : Health. Une nouvelle application dédié à la santé qui sera disponible dans le prochain iOS et qui, à l’instar de Samsung ou Google, permet de surveiller le métabolisme de l’utilisateur. Tout y passe : rythme cardiaque, pression sanguine, taux d’oxygène dans le sang, taux de sucre, taux de caféine, taux d’alcool, taux de nicotine et plus encore.

Cette approche qui se fait dans l’ombre et sans aucune connaissance de l’utilisateur, si ce n’est la fuite mis en lumière par Bloomberg, ne présage rien de bon.

 

La médecine personnalisée et ses risques sont certainement une menace pour la vie privée qui, jusqu’alors, était menacé par notre historique d’activité sur Internet. Même si le but premier permet de protéger l’utilisateur, en combinant la puissance du fichage numérique de chaque citoyen avec celui de sa santé, les pires scénarios sont à prévoir.

[…] (Cela pourrait) permettre aux assurances de surveiller le comportement des assurés avec la remontée d’informations permise par Health et l’API HealthKit, afin de réaliser des contrats d’assurance sur mesure, orwéliens. Ils pourront prévoir que les remboursements de frais médicaux sont exclus par exemple si l’utilisateur ne marche pas plus de 30 mn par jour, s’il fume, s’il boit, s’il ne mange pas assez de légumes ou s’il a couru alors que son docteur le déconseillait formellement. De façon plus pernicieuse, mais avec au final le même résultat, des réductions de prix pourront être accordées à ceux qui respectent un certain nombre d’engagements de comportement, et qui en apportent la preuve grâce aux capteurs qu’ils portent […]

« Apple approche les mutuelles pour divulguer le comportement des assurés » – Numerama

Bref, un scénario sombre et certainement aussi lointain qu’une hypothétique délirante surveillance généralisée à la Big Brother bien décrit dans 1984 mais encore mieux documenté dans les diapositives secrètes de la NSA fuitées par le Guardian.